EuroDéputée EELV depuis 2009, Karima Delli devient présidente de la Commission Transport du Parlement européen en 2017. Elle s’illustrera par son combat pour la décabornation des mobilités, mais aussi par sa pugnacité à imposer une commission d’enquête suite au scandale du Dieselgate. Elle défend aujourd’hui une écologie de solution et d’innovation qui s’adresse à toutes les classes sociales.
La crise de la mobilité qui a creusé une profonde fracture territoriale doit trouver une réponse radicale. Avec le Ticket Climat, nous proposons de renverser la table pour apporter une réponse massive aux problèmes de mobilité des classes populaires. Comme l'a illustré l'exemple allemand, le succès du Ticket Climat a fait prendre conscience de la nécessité de réhabiliter le réseau ferroviaire pour en faire l'alpha et l'oméga d'une mobilité du quotidien: créer de l'intermodalité en gare pour poser sa voiture, son vélo ou sa trottinette, acheter du matériel roulant plus petit mais plus fréquent pour multiplier les usages, rénover l'infrastructure pour en finir avec les pannes...
Petit à petit, les Français redécouvrent les vertus des mobilités douces, qu'elles soient actives ou assistées. Nous estimons qu'il est possible d'aller encore plus loin dans les usages en sensibilisant les jeunes, en sécurisant les voies, en multipliant les dispositifs d'acquisition... Le vélo doit également s'inscrire dans une véritable politique d'intermodalité qui permet de sécuriser le stationnement dans des gares notamment. Nous souhaitons également développer une véritable filière souveraine en relocalisant la production de vélos sur notre territoire, mais également en promouvant tous les métiers autout de cet écosystème (réparation, maintenance, location...).
Notre pays a pris la mauvaise habitude de multiplier les immenses projets infrastructurels dont les bénéfices sont marginaux au regard des structures existantes. L'aéroport de Notre-Dame-des-Landes était symptomatique de cette appétence aux nouveaux projets qui ne font qu'artificialiser des terres pour développer des activités hautement carbonées. Nous luttons aujourd'hui contre le tunnel Lyon-Turin dont le coût absolument faramineux (26 milliards d'euros en tout, d'après la Cour des Comptes) serait bien plus utile à rénover les lignes TER existantes. Nous sommes également opposés au GPSO dont l'impact environnemental est disproportionné au regard des bénéfices dits du "temps gagné".
Alors que l'Europe a imposé aux constructeurs de limiter leurs émissions de CO2, ces derniers ont augmenté la taille et le poids de leurs véhicules. Le développement absolument incroyable des SUV (partis de rien il y a quinze ans, ce segment représente quasiment 40% des ventes en Europe aujourd'hui) symbolise cette irresponsabilité des constructeurs automobiles qui n'ont rien appris du Dieselgate. Même sur les voitures électriques, ils s'emploient à vendre des SUV qui consacrent plus de batteries à compenser le poids de la voiture plutôt qu'à créer de l'usage et de l'autonomie. Il est temps de réguler l'industrie automobile avec des taxes au poids.
Le fret ferroviaire est le grand oublié des politiques publiques de ces 30 dernières années. Il est pourtant un puissant levier de décarbonation du transport de marchandises. Autrement dit, nos objectifs de baisse d'émissions de CO2 n'ont aucune chance d'être atteints si nous ne lançons pas un programme ambitieux de fret ferroviaire. Cela implique d'investir massivement dans la rénovation du réseau, mais aussi de taxer davantage le transport de marchandise routier.
La fiscalité doit être un outil essentiel à notre politique environnementale. Il faut appliquer vigoureusement le principe de pollueur-payeur pour faire en sorte que l'économie carbonée finance l'économie décarbonée. Ainsi, une taxe kérosène pourra financer le train et faire en sorte que la mobilité ferroviaire soit plus accessible que l'avion (aujourd'hui c'est malheureusement l'inverse). Une taxe poids lourd devra également permettre de financer des projets environnementaux majeurs comme le fret ferroviaire.
Il faut cesser d'opposer lutte pour le climat et classes populaires. Cet enjeu concerne tout le monde et ce combat ne pourra pas se faire au détriment des plus fragiles. Il est possible d'imaginer un nouveau modèle de société qui concilie écologie et progrès social. La rénovation thermique, l'accessibilité d'une mobilité décarbonée sont autant de thèmes qui sont utiles aux classes populaires et qui respectent l'environnement.
Alors que les acquis féministes sont menacés par un obscur retour de conservatisme, il n'est pas question de baisser la garde. Aucun modèle de société n'a d'avenir s'il ne pose pas les jalons d'une lutte sans merci pour l'égalité entre femmes et hommes. Plus encore, notre combat est de porter ce sujet dans les classes populaires, véritable angle mort du féminisme moderne. Isolées par le recul des infrastructures sociales, trop de jeunes filles et femmes sont marginalisées et livrées aux turpitudes d'un environnement social paupérisé...
Après trois mandats au Parlement Européen, je mesure le chemin parcouru par les institutions européennes sur la lutte pour le climat. Je mesure également à quel point l'Europe est probablement le levier le plus puissant pour élever le combat pour l'environnement à grande échelle. Il faut consolider cet héritage alors que les réactionnaires sont en embuscade pour détricoter le GreenDeal. Seule l'Europe pourra protéger ces efforts et nos concitoyens en revenant à une doctrine souverainiste à l'échelle du continent pour en finir avec le dumping social et environnemental des autres pays, y compris de nos alliés...